Saint-Sulpice-La-Pointe, du grain à moudre !

Saint-Sulpice-La-Pointe, du grain à moudre !

Malédiction hubris et orbi.

Mais qu’est-ce que c’est que ce titre, qui mélange français, grec et latin ? Lisez la suite, vous comprendrez…

 

Au départ du Vendée Globe 2016-2017 en novembre dernier, rappelez-vous, - presque - personne ne pronostiquait le candidat Trump vainqueur, Juppé était donné gagnant comme cheval de course de la droite, les socialistes se demandaient quand Hollande allait se déclarer et Fillon incarnait le Père la Vertu d’une droite exemplaire. Pour Sébastien Destremeau, revenu semaine dernière, le choc a dû être sévère.

 

Imaginez : un saint sulpicien nous revient en même temps que le dernier arrivé de ce tour du monde à la voile, sauf que lui il l’aurait fait…à la rame. Notre saint sulpicien aurait dû partir il y a près de trois ans, le pauvre, juste après les résultats des élections municipales. Enfin, nous, c’est le temps qu’on aurait mis, en tous cas…

 

« Mais que s’est-il passé à Saint-Sulpice !? » se demanderait-il. Pour nous tous qui suivons le feuilleton - ou plutôt devrions-nous dire la mauvaise sitcom locale -, nous serions tentés de lui répondre « rien, et beaucoup de choses en même temps ! ».

 

Rien, ça, il l’aurait remarqué de lui-même : une voirie communale à l’abandon, des candélabres abîmés, des fossés qui ne sont pas entretenus, une mare d’eau à l’entrée du centre de loisirs de Matisse… oubliés l’aménagement heureux d’un centre-ville plus accueillant, les rencontres citoyennes, etc. Pour autant beaucoup de choses visibles à l’œil nu ont changé : éclairage public allumé le jour, éteint la nuit, des gymnases chauffés en été, des écoles mal - ou pas - chauffées en hiver, partout de la publicité à la gloire de viandes diverses à vil prix, des trottoirs publics envahis par les herbes folles.

 

Toutefois, ce n’est pas ce qui est visible qui aurait le plus choqué notre voyageur, mais ce qui ne l’est pas. « Comment, se dirait-il, est-on passé de l’espoir d’un exercice démocratique renouvelé, à la situation d’aujourd’hui ? Où sont passés la concertation promise, la co-construction, les délégués de quartiers, la promotion de la culture ? »

 

« Mais qu’ont-ils fait de l’héritage de leurs prédécesseurs, que leur est-il arrivé ?? » Ce qui leur est arrivé, c’est juste aussi vieux que le monde des hommes est monde au sens latin du terme, « orbi ». Ce qui est arrivé c’est la transgression suprême, à  telle enseigne que les grecs en avaient fait un crime pire que celui de lèse-majesté : un crime contre les dieux. Le nom de ce crime ? L’« hubris»[1], ou « hybris » , syndrome d’un orgueil tellement démesuré que l’individu qui en est atteint prétend se hisser au rang des dieux.

 

Et comment ça s’attrape l’hubris ? Selon D. Owen[2], qui a principalement étudié et analysé les décisions des hommes de pouvoir américains et britanniques sur les 100 dernières années, il s’agit d’un syndrome au sens psychanalytique du sens, lié à l’exercice du pouvoir. Les individus qui en sont atteints - au hasard, les élus d’une commune, par exemple du Tarn - font preuve d’arrogance, de suffisance, de mépris, parfois de manipulation, mais toujours de mensonge. Vous leur faites remarquer qu’ils n’ont pas le droit d’utiliser un véhicule municipal à des fins personnelles ? Arrogants et menteurs, ils vous affirment l’utiliser parce qu’ils sont d’astreinte… alors qu’ils perçoivent des indemnités qui justement leur sont versées pour pouvoir exercer leur mandat… et qu’ils ne sont même pas d’astreinte. Suffisants, ils le demeurent quand ils se garent impunément sur des places de stationnement uniquement destinées aux services municipaux avenue Vialas. Méprisants, ils continuent à vous soutenir que l’éclairage public allumé le jour l’est pour les besoins de son entretien, alors que tout le monde peut constater qu’il n’en est rien, ils clouent le bec de l’opposition qui ose poser des questions ou demander des explications, ils vitupèrent contre les parents d’élèves dans les conseils d’écoles, ils assistent rarement aux conseils municipaux ou communautaires.

 

Ça s’attrape donc par l’exercice du pouvoir, l’hubris : ils avaient tout compris, ces grecs ! Les romains aussi, d’ailleurs, qui se méfiaient de cette affection de la personnalité car elle pouvait faire croire à ceux qui en étaient atteint qu’ils étaient invulnérables, tout-puissants, et donc dangereux car si ce syndrome est visible par tous, les intéressés y sont aveugles pour ne pas dire aveuglés. « Memento mori », qui pourrait se traduire par « n’oublie pas que tu es mortel » ou « rappelle-toi que tu mourras », c’est ce qu’un esclave était chargé de rappeler aux généraux romains à l’occasion de leur cérémonie de triomphe. Qui cite cette maxime, aujourd’hui, à monsieur Fillon ? Les médias, la justice, ce pourquoi il les attaque si durement. CQFD.  Mais à Saint-Sulpice la Pointe, qui ose rappeler la toxicité du pouvoir qui confine à un narcissisme pathologique, comme Blaise Pascal le faisait dans son « Discours sur la condition des grands » quand il écrivait : « Surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres […] Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanité des Grands vient de ce qu’ils ne connaissent point ce qu’ils sont. » ?

 

Déambulant entre les nouvelles affiches à la gloire des grandes surfaces commerciales qui ont défiguré depuis peu sa petite ville de Saint Sulpice la Pointe, notre voyageur de retour dans sa ville se demanderait « mais enfin, où ont-ils remisé leurs engagements de gauche, leurs promesses d’un centre-ville animé et agréable ?? ». Engagements de gauche ? Les élus qui en étaient - de gauche -, harcelés, diffamés, inquiétés, accusés d’attenter à la bonne tenue de la gestion des affaires publiques, ont été contraints de démissionner pour garantir un semblant de paix publique dans l’intérêt général. D’engagements de gauche il n’y a plus. Du reste, pour autant que « les impôts n’augmentent pas », comme le prétend le reste de ce qui fut une équipe municipale majoritaire, les saint sulpiciens n’y trouvent pas grand-chose à redire. Comme le rappelait Raffaele Simone[3], « dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville décrit une nouvelle forme de domination. Elle s'ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme "plus étendu et plus doux", qui "dégraderait les hommes sans les tourmenter". Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, "les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas", transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en "une foule innombrable d'hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée des autres". Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à "un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète." La seule fois où la municipalité a été imprudente vis-à-vis de l’appétence des citoyens à la réjouissance, c’est lorsqu’elle a voulu interdire un match de rugby au motif que cela présentait un risque d’exposition aux attentats. Sans rire. Le syndrome d’hubris rend aveugle et sourd, on vous l’a déjà dit, mais également ridicule quand le décalage entre la pathologie et le réel est trop important.

 

 

La suite à venir de cette histoire ? Elle a déjà été écrite il y a plus de deux millénaires par Hérodote, dont notre voyageur se rappelle un passage : « « Regarde les animaux qui sont d'une taille exceptionnelle : le ciel les foudroie et ne les laisse pas jouir de leur supériorité ; mais les petits n'excitent point sa jalousie. » Immanquablement Némésis, déesse de la vengeance, fait se rétracter l'individu à l'intérieur des limites qu'il a franchies et ce de façon impitoyable si ce n’est cruelle.

 

En attendant, c’est notre bien commun qui est laissé en pâture à des irresponsables qui décidément sont bien coupables… jusqu’à quand ?

 

Dgam

 

 



[1] deux fameux exemples d’hubris : les discours de Démosthène « Contre Midias » et le « Contre Conon ».

[2]  In Sickness and in Power (Dans la maladie et le pouvoir), David Owen, 2008

[3] Linguiste de renommée internationale, philosophe. Lisez absolument « Le Monstre doux. L'Occident vire-t-il à droite ? », de Raffaele Simone, Gallimard,

 



19/03/2017
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